L'ophrys Jaune
Il fallait mériter de la rencontrer ! Il a fallu transpirer, y laisser quelques bouts de mollet, crotter les chaussures, enfoncer les pieds dans l'épaisse gadoue d'une sympathique forêt, vaincre des petites bestioles voraces et volantes ou avec des tas de pattes et des poils, il fallait du courage, de la témérité, de la bravoure. Oui, il faut bien tout cela quand on a un "graal botanique". Cette année, mon graal, c'était l'ophrys jaune. Sans l'aide précieuse de Ludivinne, j'aurais sans doute eu du mal à la rencontrer dans le Gers. Elle m'a donc indiqué son coin secret, un coin retiré dans les collines de l'Astarac, où la nature est reine, un bout de terre classée ZNIEFF , Zone Naturelle d'Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique. Un petit trésor caché dont il faut prendre soin.
Il a fallu d'abord s'aventurer dans une interminable montée. Interminable et surtout bien pentue, bien fatigante pour les jambes peu entraînées et les personnes au fort embonpoint dans mon genre. Mais il m'en faut plus pour me décourager. J'ai vaincu cette première difficulté non sans efforts, non sans me plaindre, car je râle toujours un peu quand il faut monter des sols un peu trop inclinés. Il a fallu franchir un sentier jonché de ronces, supporter les épines dans les mollets et les bras et éviter de respirer les nuées d'insectes sans oublier les araignées qui fourmillent dans les couches d'humus. J'étais égaré dans la vallée gersoise infernale, à la recherche de l'ophrys jaune.
Bien qu'ayant poussé plusieurs fois des cris de terreur injustifiés, j'ai continué sachant qu'au bout du compte, j'allais être récompensée. Quelques pas de plus en plein soleil, un soleil de plomb et estival en plein mi-Avril, et j'allais enfin la trouver. Ce n'était pas sans compter sur les encouragements de Denis qui m'accompagnait et riait de mes facéties.
Nous sommes sur une zone calcaire, clairement. Le sol est caillouteux et de nombreuses ophrys de saison poussent. Je ne vois pas encore mon graal. Et pourtant, derrière moi, s'en trouvait rien que 5 pieds ! Je me retourne et la voilà, l'Ophrys lutea Cavanilles, de son nom scientifique ! Elle aime donc les coteaux arides, les pelouses sèches et calcaires. Elle préfère l'exposition sud, évidemment, elle a besoin de se gorger de soleil. Elle est tout à fait ravissante, sa collerette jaune la rend pimpante.
C'est là qu'on se dit que ça valait bien la peine de souffrir un peu pour voir des choses aussi belles. Quant au retour, après nous être perdu parmi les champs, il a fallu traverser un fossé d'ortie… mon mollet gauche en frétille encore !