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Gersicotti ? Gersicotta !
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Gersicotti ? Gersicotta !
6 mars 2019

[Episode 1] Un mardi gras linguistique !

!!!!!Message important : les cartes ici présentes sont le résultat d'un travail de deux années de recherches linguistiques et d'enquêtes de terrain. Merci de ne pas les utiliser sans mon consentement !!!!!

 

Qui dit mardi gras dit crêpes, merveilles et beignets ! Et qui dit crêpes, merveilles et beignets dit pâtisseries populaires. Et qui me dit pâtisserie me dit pâtisserie gasconne. Et quand j’en viens à penser aux pâtisseries gasconnes, j’en viens à penser à mes deux belles années de recherches linguistiques en master. La première année sur les mots Pastis, croustade et tourtière (dont vous pouvez retrouver les 5 articles de la saga ici ) et la seconde année sur le vocabulaire plus spécifique de la pâtisserie gasconne ! Je vous avais promis un jour de vous en faire un résumé. J’ai mis du temps et je vais essayer de faire à la fois court et complet mais encore une fois en plusieurs étapes.

Beaucoup de gens tombent des nues quand je leur annonce le sujet que j’avais choisi de travailler à l’époque : le lexique pâtissier gascon. Pourtant, pour ceux qui suivent ce blog et/ou qui me connaissent un minimum, ils savent que tout a commencé avec le pastis, la croustade et la tourtière dont j’ai étudié la répartition linguistique, comme je vous l’ai dit plus haut, en 2015-2016. Cette première année de recherche m’a fait découvrir l’histoire de l’occitan, de ses dialectes que je préfère appeler « topolecte » tant ils correspondent à des zones géographiques parfois inattendues, mais ça j’en avais déjà parlé avant.  Ces premières recherches m’avaient permis d’ouvrir les fabuleux Atlas Linguistiques de Gascogne. Cependant ces derniers restaient relativement confus quant à certains noms de pâtisseries. J’ai eu donc rapidement envie de découvrir tous les mots pâtissiers et gascons qui existent sur le territoire gersois ainsi que comprendre leur répartition.

J’ai eu aussi envie de tenter l’aventure des enquêtes linguistiques de terrain avec un thème original dont les locuteurs aiment parler ! Qui n’aime pas parler de bouffe ? De sucre ? De gras ? De plaisir des papilles ? Parler de ses souvenirs d’enfance ?

Et puis, j’ai pu allier trois passions : le Gers, évidemment, la cuisine et la linguistique.

Je vous épargne une grande partie de l’aspect théorique. Et avant de vous montrer les résultats de mes recherches, il me faut vous expliquer comment j’ai organisé mon travail sur le terrain.

Grâce à ma directrice de mémoire et à des ouvrages spécifiques sur le sujet j’ai créé un squelette d’enquête linguistique avec différents types de questions mais surtout, je souhaitais valoriser la spontanéité. C’est ainsi qu’entre fin janvier et mi-mai 2017 j’ai parcouru une majeure partie du Gers et ai rencontré une quarantaine de locuteurs gersois et quelques groupes de conversation occitane. J’ai récolté plus de 20 heures d’enregistrement que j’ai pu analyser ensuite.

 

1

 

J'ai complété ces données récoltées avec d'autres sources dont les atlas linguistiques, quelques livres de recettes spécifiques et des ouvrages locaux qui évoquaient certaines pâtisseries. Mes enquêtes sont loin d'être parfaites mais j'ai pu créer 12 cartes linguistiques (que je ne vous montrerai pas toutes aujourd'hui ! ). Je me restreins dans cet article aux crêpes, beignets et merveilles ! Mais avant, petit rappel de lecture phonétique de l'occitan : le -a- final se prononce quasiment comme un "o", le - on- final se prononce "ou", le -nh- se prononce "gne" et le -v- se prononce presque comme un "b".

 Parlons crêpes !

Si caucèra est le mot le plus répandu pour déseigner la crêpe, il a plusieurs concurrents sur le territoire Gers : pastera au sud-est, crespera au sud-ouest et pescajon à l'est. Certains locuteurs (les plus jeunes) emploient le terme crèpa. Comment expliquer cette variété ? Le Gers est une zone de multiples transitions linguistiques entre diverses variantes topolectales du gascon et entre deux variantes de l'occitan (gascon et languedocien). A l'Est c'est notamment le Languedocien qui apporte le terme pescajon. Quant à crèpa, il semblerait que les jeunes locuteurs ne connaissant pas le nom occitan aient eu tendance à occitanier un terme français. L'un d'eux a d'ailleurs très vite reconnu le terme caucèra lorsque je lui ai soumis.

 

 

 

2

 

Un petit beignet pour la route ?

Quand j'ai consulté la carte de l'Atlas Linguistique de Gascogne (ALG) je me suis rendu compte que peu de donnée avaient été récoltées. Le concept de beignet a été très peu abordé pendant les enquêtes et n'a rien à voir avec le beignet qu'on connait aujourd'hui. 

Quelques locuteurs ont évoqué pet de nonne s’aventurant parfois à proposer pet de nona sonnant plus occitan mais expliquant que la pâtisserie était plutôt lyonnaise et évoquant leur incertitude quant à cette dénomination. Quatre termes occitans ont été proposés toutefois pour beignets : le mot còca, le le mot benhet,, le terme caucet à la frontière Sud-Ouest entre le Gers et les Landes, et le terme crespèth qui apparait vers la région de Villecomtal sur Arros (point d’enquête 30). Certains les appellent également les coquets de Carnaval.

La carte que je propose pour les beignets est donc relativement indigente : y apposer une photo est compliqué car il existe une multitude de beignets différents.  J’ai préféré me garder de tout choix qui aurait pu s’avérer subjectif ou inapproprié. Ce concept de beignet mériterait une investigation plus importante avec des questions plus spécifiques sur la forme, la recette, la cuisson, les occasions de confection, détails dans lesquels je n’ai pas eu l’occasion d’entrer d’autant plus que la pâtisserie beignet n’a pas souvent été évoquée spontanément par les locuteurs interrogés.

3

 

C'est pas de la foutaise : ces oreillettes sont de pures merveilles !

 

Comme les crêpes, les merveilles (ou oreillettes ou gâteaux à la poêle...) connaissent une foison de désignations en gascon. Ces pâtisseries étaient confectionnées pour les grandes occasions (événements familiaux, carnaval, mardi gras, Pâques). A partir d'une pâte très finement étalée ou avec les morceaux restants de la pâte à pastis estirat (ou croustade...), on découpait les fameuses merveilles. Elles se dégustaient (et se dégustent encore ! ) avec du sucre. On les coupait généralement en losange, mais on pouvait les découper autrement : en longue bande avec un trou au centre.

D’emblée nous remarquons que mervelhas est le terme le plus répandu sur le territoire gersois. Dans le Gers, sur notre carte, mervelhas est davantage en concurrence avec aurelhetas et la forme còcas a la padena. Quelques locuteurs emploient còcas précisant qu’à l’occasion d’un repas on disait, pour désigner les merveilles « Que vam minjar las còcas » (nous allons manger les gâteaux).

Le lexème piscalhons (point d’enquête 43) sur notre carte rappelle le terme pesquilhons tout au sud des Hautes-Pyrénées.  La compagne d’un locuteur originaire des Landes a  précisé que chez elle, on employait fotesas.

4

 

 

Bref, une foison de pâtisseries et une foison de mots et parfois plusieurs mots pour une même pâtisseries , pourquoi ? Parce que les locuteurs sont d'une créativité infinie ! Dans le prochaine épisode, je vous expliquerai a priori pourquoi, ces pâtisseries portent ces noms ! Qu'ei l'ora de hèr la pasta a caucèra !
Sources des photos présentes sur les cartes :
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