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Gersicotti ? Gersicotta !
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Gersicotti ? Gersicotta !
20 octobre 2016

L'Aventure Saint-Jacques dans le Gers, épisode 8 : jour 8 et jour 9 , la fin du voyage !

Episode précédent :  L'Aventure Saint-Jacques dans le Gers, épisode 7 : jour 7, l'arrivée à Nogaro !

Lundi 12 septembre 2016

14h00- Lorsqu'à 5h30 ce matin, j'ai ouvert l'œil, terrassée par une poignante envie d'uriner et que j'ai eu fait ce que j'avais à faire pour le bien-être de ma vessie, je me suis férocement interdit d'être immédiatement en forme et me suis donné l'ordre précis de retourne me coucher, de fermer les yeux et de ne surtout pas penser à ma liseuse sur laquelle j'ai commencé la veille (une fois le précédent terminé) le truculent livre intitulé Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire.

C'est un vrai plaisir pour moi de lire autant. Hors vacances, je lis peu de "littérature plaisir". Quand je suis étudiante, bien que mes lectures me passionnent véritablement, cela reste très spécifique, lié à la linguistique, à l'occitan… et je ne sais pas, dans ces cas, lire un roman en parallèle, pour la simple et bonne raison que ces livres scientifiques accaparent mes neurones et j'y pense continuellement. Du coup il m'est absolument impossible de me concentrer sur un quelconque roman et d'y laisser vagabonder mon esprit en imaginant les détails de chaque scène du film que je crée au fil de ma lecture.

En ce moment donc, je lis juste pour lire. Quand j'étais prof, c'était bien pire. Je ne lisais que pour mes classes, cherchant LE LIVRE sur lequel je pourrais travailler tel ou tel thème  imposé par les programmes, cherchant quel extrait serait idéal pour s'initier aux figures de style ou pour introduire une leçon sur les subordonnées conjonctives ou relatives, sur la concordance des temps ou pourquoi pas les temps du subjonctifs aux terminaisons parfois rudement tarabiscotées. Dès que je suis prof, j'achète les livres en deux ou trois exemplaires. J'en garde un intact pour les photocopies et pour ma bibliothèque personnelle et je griffonne à souhait les deux autres, ne manquant pas de les achever au surligneur !

Bref, ici, je ne réfléchis à rien d'autre que ce que me racontent les livres. Encore que, j'ai eu relevé, avant de partir et pendant le parcours, trois citations qui feraient de magnifiques sujets de composition pour le CAPES ou pour une dissertation destinée à des terminales littéraires… Mais c'est tout. J'ai enfin perdu mon radar à métaphores, comparaisons, métonymies, hyperboles, oxymores et autres figures de rhétorique.

Je me suis donc interdit de toucher à la liseuse (avec laquelle j'avais du mal au début, préférant la sensation du papier entre mes mains, mais qui s'avère être très pratique dans le cadre d'un tel parcours, m'évitant de transporter 4 ou 5 livres dans mon sac à dos ! ) et j'ai réussi à me rendormir, ce que je n'avais pas réussi à faire certains matins. J'en ai conclu, en me réveillant à 8h00 ce matin que je devais être, hier soir, au bout du rouleau. Cela n'a rien à voir, enfin si un peu quand même maisJ'adorais dire "je suis au bout du rouleau" à mes clients, lorsque j'étais caissière, pour les faire sourire et patienter le temps que je changeasse mon rouleau de caisse, y ajoutant un ton bigrement tragique, en essuyant une sueur fantôme sur mon front, d'un revers précis de la main.

Denis s'est aussi réveillé à 8h00. Nous avions un programme extrêmement chargé pour cette journée dite de "repos" : petit déjeuner, ne rien faire, trouver à manger, ne rien faire, rejoindre le parc des Marnières à 700 mètres à pieds, ne rien faire, trouver un banc, ne rien faire, lire, manger, ne rien faire, flâner, lire, ne rien faire, etc.

Comme vous pouvez ainsi le constater il s'agissait d'un programme carrément sportif ou pas. Je l'avoue, nous nous sommes offert une journée bien "plan-plan", ou "ploum-ploum" comme nous aimons le dire depuis quelques temps quand il s'agit d'une journée où nous sommes atteints de flémingite aiguë. Après tout, sur notre programme du jour, "aujourd'hui" est désigné comme journée de repos. Mais il faut nous comprendre, demain, nous devons parcourir 20 kilomètres pour notre ultime étape à pieds. Les marcheurs chevronnés rient doucement et se disent que ça va, c'est pas non plus la mer à boire ! Nous, en tant que marcheurs tranquilles dont les pieds hurlent le martyr après 14 ou 16 kilomètres, nous appréhendons un peu, nous savons que cela risque de ne pas être de la tarte que d'enquiller 20 kilomètres après déjà 70 kilomètres, même si nous avons bien fractionné cette distance. Du coup cette journée "ploum-ploum" tombait à point nommé pour se reposer, mettre un peu en pause les articulations, le dos, les tendons, les orteils oppressés par les chaussures.

A 8h40 nous avons donc tranquillement petit déjeuné sur des plateaux fleuris : le mien avait de grands coquelicots jaunes et rouges tandis que celui de Denis, avait une panoplie de plantes médicinales. Nous avons dévoré croissant et brioche, et une ou deux tranches de melons rafraîchissantes. Le soleil tapait déjà férocement dehors. Nous avons ensuite rejoint le centre-ville où nous avons trouvé de quoi pique-niquer. Et ? J'ai encore fait un caprice ! Je voulais retourner à l'intérieur de l'église Saint-Nicolas, histoire de voir les lumières colorées du matin. Quelques-unes étaient au rendez-vous et me plurent bien !

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Après ce passage au frais nous avons affronté le cagnard pour rejoindre le Parce de Marnières. C'est une sorte de cocon de verdure au milieu duquel un étang reflète la vie qui l'entoure. La lumière du soleil s'infiltrait à travers les arbres donnant au vert des feuilles une intensité étonnante et à moi, une pêche d'enfer !

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Nous avons flâné, ici ou là, avons squatté un banc un peu déglingué, au bord de l'eau, comme prévu nous n'avons pas fait grand-chose, à part lire, manger, parfois observer, regarder, contempler. Et écouter aussi ! C'est important de tendre l'oreille ! Les craquements du bois, le frotti-frotta des feuilles ébranlées par le vent, le bourdonnement des insectes, le chant des oiseaux, le tapotis régulier d'un pivert ou d'un pic épeiche et parfois le silence. En fait, ici, ce n'est pas vraiment silencieux, il y a toujours un petit bruit, mais ça n'est jamais un bruit désagréable. Sans doute y a-t-il de multiples conceptions du silence, le silence ça peut aussi tout simplement être au calme, loin du brouhaha de la ville et de la vie humaine. Ici, c'était de la vie toute simple et toute naturelle, de l'oxygène et de la chlorophylle à perte de vue, c'était bon et ressourçant. On voyait les lézards lézarder autant que nous, viles copieurs ! Et les libellules virevolter comme nos pensées. On sentait les parfums de la forêt, le bois, les feuilles, les herbes sauvages.

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Nous avons quitté les lieux dans un état particulier : nous étions profondément détendus et prêt à faire… LA SIESTE ! Nous avons préféré revenir dans notre chambre car la chaleur devenait étouffante. Au retour, la vue sur Nogaro était charmante. J'avoue, j'ai refait un caprice. Je voulais voir les lumières de 13h30 dans l'église ! Je suis incorrigible. Et j'en ai trouvé d'autres, bien belles aussi.

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Et puis la sieste pour Denis et la rédaction de ce journal pour moi… Sauf que pour la petite anecdote, au bout de quelques paragraphes, j'ai manqué d'encre ! C'était UNE TRAGEDIE ! Je ne pouvais plus écrire, je ne pouvais plus raconter et j'avais tellement à dire ! Alors nous sommes donc vite ressortis en quête d'un stylo ! Vive le SPAR !

Pour l'heure (16h40), nous allons continuer à nous reposer avant d'aller manger une salade en ville puis nous perdre dans un profond sommeil. Demain c'est notre dernière étape et nous voulons être en forme pour en profiter au maximum.

17h20 - Je viens de relire ce journal depuis le début, avec une certaine émotion. Sincèrement, je n'ai absolument pas envie que demain soit déjà la dernière étape.

 

Mardi 13 Septembre 2016

11h55- C'est la dernière étape, c'est la dernière étape, c'est la dernière étape ! Ah déjà ? Nous nous disions ce matin au départ, "déjà !". Pas avec satisfaction, pas avec enthousiasme plutôt avec perplexité ! Si nous avons passé des moments forts et inoubliables sur le chemin, c'est passé bien plus vite que nous l'imaginions et à l'heure qu'il est, il ne nous reste pas plus de 3 petits kilomètres avant notre point d'arrivée.

La nuit a été particulièrement brûlante. Le sommeil saccadé par les vagues de chaleur intense qui emplissaient la chambre malgré les fenêtres grandes ouvertes. Le drap qui collait à la peau. A 6h00, nous nous sommes réveillés, rien qu'une demi-heure trop tôt, mais tant pis. Nous nous sommes tranquillement préparés. J'ai pris l'air frais sur le balcon de la chambre, comme une boulimique, tentant de capter toute la fraîcheur rien qu'à moi. Je me disais que l'étape que je redoutais le plus sur le parcours prévu, c'était aujourd'hui, mais qu'elle ne me faisait plus aussi peur après tous ces kilomètres parcourus et après avoir su passer outre les douleurs.

Nous avons quittés Nogaro vers 7h15 après avoir sauté comme des hyènes affamés dans la boulangerie qui venait juste d'ouvrir. La pauvre petite boulangère avait encore de gros cernes noirs sous les yeux et nous lui demandions "déjà" des sandwiches. Il faisait encore nuit, légèrement. Le ciel était décoré de nuages. Nous avons quitté la ville, nous sommes engouffrés dans les vignes avec d'autres pèlerins. Le soleil se levait dans notre dos. Je comptais les kilomètres restant après chaque quart d'heure passé.

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A Lanne-Soubiran, au bout de 8 kilomètres, c'était déjà un bon bout de fait pour nous. Plus que 12 kilomètres me disais-je. La jolie église du village embellissait davantage le chemin. Et puis la route goudronnée, suivi un agréable et frais sentier dans la forêt qui nous a permis de garder le rythme.

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A la sortie de la forêt, des vignobles, des champs de maïs et un soleil qui me piquait sournoisement le côté gauche. J'ai, voyez-vous, un bronzage magnifique. Denis dit que j'ai des bras de playmobil, d'une seule couleur de l'épaule jusqu'au bout des doigts (mais entre l'épaule et le cou, je suis blanche comme un cachet d'aspirine), on pourrait les décrocher d'un seul bloc. Je ne sais pas comment prendre cette comparaison, mais je mets ça sur le compte de sa fatigue. Mon visage est aussi coloré, surtout le nez. Mes pieds ont pris la marque des lanières de mes sandales (une croix blanche de part et d'autre du pied !) et mes mollets offrent un splendide dégradé ayant suivi la longueur variable de mes bermudas et de mes chaussettes. Je suis encore une œuvre d'art, concrètement abstraite. Un peu avant Lelin-Lapujolle nous avons découvert avec amusement de jolis équilibres de pierres près de la maison d'un incontestable artiste.

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A 11h00, après 3h45 de marche et 16 kilomètres déjà parcourus, nous sommes arrivés ici, à Lelin-Lapujolle. L'endroit est croquignolet et extrêmement bien aménagé pour accueillir les visiteurs et surtout les pèlerins ( WC, point d'eau, café, table de pique-nique). A priori, nous n'avons pas 20 kilomètres à faire, mais 19. J'ai mal évalué la distance. Plus que 3 kilomètres environ. Nous reprendrons notre route vers 13h00, après un petit repas salvateur et une bonne pause.

Me concernant, j'ai pris le temps d'écrire dans ce journal parce que, jusque-là, je n'avais encore jamais eu l'occasion d'y écrire en direct du chemin. Et puis, autant vous le dire, je me sens bien là, accoudée à cette table en bois, les pieds qui se balancent dans le vide, sous ce grand arbre qui nous couvre d'ombre. Denis lit, le vent souffle légèrement, quelques nuages épais ramènent leurs fraises et présagent une soirée orageuse, les pèlerins qui passent nous saluent à grands signes et larges sourires. Je ne suis pas sûre d'avoir envie que cette belle aventure se termine aujourd'hui. Je ne suis pas prête à quitter ce chemin empli de sérénité.

16h50- 13h35 a sonné la fin du voyage à pied. Nous nous sommes embrassés et félicités devant le portail de notre amie Sylvie. Félicités, oui car, même si nous sommes en quelques sortes des pèlerins "imposteurs" ou plutôt des marcheurs tranquilles, il nous a néanmoins fallu bien du courage pour faire un petit voyage de 90 kilomètres à pieds, depuis La Romieu. J'avais l'impression que le soir où je prenais en photo les deux tours de la collégiale romévienne, depuis la belle chambre de l'Etape d'Angeline, c'était hier. C'est passé vite et ça a été bien moins pénible que je ne l'aurais cru. J'avais tellement peur que mes jambes me lâchent, de craquer en plein milieu, de craquer trop tôt, de craquer presque arrivée, que mon poids soit un fardeau. Finalement je suis allée jusqu'au bout, avec quelques douleurs évidemment mais bien loin de l'insupportable que j'avais pu imaginer avant de partir - c'est que je sais dans quel état après avoir participé toute une nuit à un tournoi de volley, mon corps n'est jamais très content le matin !

Donc le mardi 13 septembre à 13h35, nous sommes arrivés au bout de l'objectif que nous nous étions fixés et fièrement, parce que nous pouvions être fiers même si nous avions eu des conditions de voyages plutôt agréables, notamment du point de vue des hébergements.

Je rembobine à 45 minutes avant notre arrivée. Nous étions encore à Lelin-Lapujolle à 12h45. Je revenais d'un très petit tour autour de la jolie église, petite promenade qui m'avait permis de me remettre en jambe après 1h45 de pause. J'ai rempli les bouteilles d'eau, nous avons repris nos sacs et l'avanture… une très courte aventure puisqu'il s'agissait de terminer tranquillement les 3 petits kilomètres de cette étape ultime.

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Nous avons chanté.

Si si.

Pourquoi croyez-vous que l'orage approchât davantage ?

Nous avons sorti tout un répertoire de chansons dont nous avons le secret. J'ai vociféré notamment un enthousiaste "CHOOOOOKAKAAAAAOOOO" au moment où un monsieur sortait de chez lui, du BONEY M pour ne pas changer, un peu de QUEEN et sur la toute fin, du CLAUDE FRANCOIS, avec un Alexandrie Alexandra fardé de "gnagnagnagna" quand les paroles de nous revenaient pas. Avec la chorégraphie ? Quelle question ! Bien sûr avec le chorégraphie !

Et pendant ce temps-là, à Arblade-le-bas, comme un écho à nos voix fatiguées de crécerelles, le ciel s'obscurcissait rapidement.

Les trois gouttes éparses qui tombèrent très subrepticement nous rafraichirent légèrement. Les nuages étaient de plus en plus compacts et ténébreux.

"Tu vas voir, dis-je à Denis, on va passer la porte de chez Sylvie et hop, l'orage va éclater".

 

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Le chemin n'était plus très long. On apercevait la toiture de la maison. Un virage, un autre, une ligne droite, et puis le portail. Déjà ? Oui, déjà ! Nous avons été accueillis à bras ouvert par nos amis et avons squatté les chaises de la cuisine en sirotant de l'eau et en grignotant les délicieux gâteaux que la maîtresse de maison nous avait préparés (oui oui, c'est toujours aussi difficile ce chemin de Saint-Jacques !!!! ).

 Dur de se dire que c'est terminé. Pas que nous ne soyons pas heureux d'avoir retrouvé nos amis, bien au contraire. Mais c'est comme si nos jambes, nos corps et nos esprits en réclamaient davantage. Comme si on pourrait encore marcher quelques jours sans broncher ou alors juste broncher un tout petit peu.

D'ailleurs, il se peut qu'il y ait incessamment sous peu une "étape bonus". Affaire à suivre !

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