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Gersicotti ? Gersicotta !
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Gersicotti ? Gersicotta !
30 août 2016

La saga Croustade, Pastis et Tourtière [4] : Petit voyage en Théorie (2) !

 

Episode précédent : La saga Croustade, Pastis et Tourtière [3] : Petit voyage en Théorie (1) !

Après un trépidant voyage en Théorie de la langue, nous allons maintenant prendre une navette linguistique très spéciale pour nous rendre en Théorie des mots. Les mots sont des bêtes un peu particulières. Ils sont un peu sauvages, un peu libres, on ne peut pas les enchaîner définitivement à un sens. Les mots m'ont toujours fascinée, je pense que c'est aussi pour cela, que je suis absolument passionnée par ce travail de linguistique. J'ai toujours aimé les découvrir, les manipuler, les ordonner, les désordonner, leur donner des sens inattendus, les suspendre dans le temps, les chanter, les fredonner, les écrire et les regarder dans leur forme graphique. Quand j'étais plus jeune, j'avais une série de mots que j'adorais et une série de mots que je détestais. Je n'aimais pas le mot "vache". Pas à cause de l'animal, mais à cause de sa sonorité, "vache" me disais-je, c'est moche à dire. J'adorais le mot "myriade", le prononcer me donnait un sentiment de bien-être et puis j'imaginais les myriades de je-ne-sais-quoi rien qu'en fermant les yeux. Mais cessons-là ces souvenirs de jeunesse qui n'ont pas grand-chose à voir à part que mon amour des mots est inébranlable et qu'il a rendu mon travail encore plus passionnant.

Alors voilà, l'affaire gastronomico-linguistique. Je me suis retrouvée face à trois mots, croustade, pastis et tourtière. Trois desserts ou un seul, selon la référence que l'on attribue à chacun de ces mots. Et j'étais comme une petite souris gourmande perdue dans une pâtisserie. Choisir entre l'éclair au chocolat et le Paris-Brest était un supplice, ma foi, moi j'aurais bien pris bien les deux ! Mais croustade, pastis et tourtière, sont en fait à la fois polysémiques et synonymiques . Et pour rajouter une couche de beurre à la préparation, ils ont entre eux des relations vraiment étroites… Je vais tenter de vous expliquer le plus rapidement, le plus simplement et le plus clairement possible tout cela. Avant de vous exposer mes conclusions dans le dernier article qui paraitra à mon retour de congé (début octobre… oulala quel suspens terrible ! ), je dois impérativement évoquer quelques notions qui, peut-être vous parleront, depuis vos lointains souvenirs d'école ou grâce aux cours de français de vos bambins.

 

… c'est carrément les feux de l'amour chez les mots !         

 

Les mots entretiennent des relations. Parfois avec plusieurs mots en même temps. Un vrai scénario de série B (ou pas !).  Bref… comme dirait pépin ! Je vais donc écrire des mots qui vous sembleront un peu barbares mais je ne manquerai pas de les expliquer.

 

Hyperonymie et hyponymie, hip hip hip houra !

Parmi les mots, on trouve des hyperonymes et des hyponymes (chose promise, chose due ! ). "Hey mais c'est quoi ces hyper hypo machins ? Moi je connaissais surtout bien l'hippocampe, l'hippopotame ou l'hypertension !"

L'hypéronymie et l'hyponymie sont tout simplement des relations hiérarchiques qui se créent entre un mot spécifique (l'hyponyme), et un mot plus général (l'hyperonyme). Ainsi, dessert est l'hyperonyme de croustade. Et croustade est l'hyponyme de dessert. Et les hyperonymes et les hyponymes peuvent créer de jolies chaînes que l'on appelle chaînes hyperonymiques. Parfois, un hyponyme est composé d'un hyperonyme et d'un adjectif. Par exemple, le cèdre bleu est hyponyme de l'hyperonyme cèdre (je vous laisse compter le nombre de fois où j'ai écrit hyperonyme et hyponyme dans ce paragraphe et prendre un efferalgan pour votre mal de crâne naissant).

 

Synonymie, l'art du kiff kiff presque bourricot même pareil mais pas tout à fait.

Bon, petit retour en sixième, voire en primaire. Attention, interrogation écrite : qu'est-ce que deux synonymes ? Ce sont deux mots qui ont le même sens… mais attention, la relation d'équivalence sémantique qu'implique la synonymie est un peu plus complexe que cela puisqu'il existe parfois des nuances sémantiques plus ou moins fines et que le contexte d'énonciation a un rôle primordial. Disons simplement que deux mots sont synonymes si leurs sens se rapprochent de façon assez nette…

 

La police émit, la peau lisse et mie, La polie sait mi … (désolée, il est 1h37 du matin, à l'heure où j'écris cet article, je ne contrôle plus ni mon hémisphère gauche, ni mon hémisphère droit).

La polysémie est la capacité d'un mot à avoir plusieurs sens. Par exemple, un mot polysémique aura plusieurs sens dans le dictionnaire, ou pourra avoir plusieurs sens en fonction du contexte d'énonciation. Les mots prennent plusieurs sens pour des tas de raisons (et pas que pour nous casser la tête !) : des métaphores passées dans l'usage, une logique liée à l'évolution du mot par rapport à son ancien sens… Et si vous ne le saviez pas, sachez que la plupart des mots sont polysémiques. Et c'est normal : les mots évoluent au fil du temps, sont employés de diverses manières, subissent des glissements de sens fabuleux…

La polysémie dépend  donc aussi du contexte : ce dernier peut être  essentiel pour comprendre le sens du mot employé. Parlons de tourtière : je peux l'utiliser de façon très diverses et son sens changera selon le contexte

 

 (1) Dans cette usine, on fabrique des tourtières.

(2) Pour cuire la tarte, utilise la tourtière !

(3) Ce pâtissier confectionne d’excellentes tourtières.

(4) Mets le couvercle sur la tourtière.

Tour à tour, tourtière n’a pas le même sens. Dans (1), il évoque soit l’ustensile de cuisine, soit le dessert, dans (2) et (4) uniquement l’ustensile, dans (3) le dessert. C’est le contexte qui permet de comprendre le sens de tourtière et dans le cas de (1), il nous manque des informations qui dépassent le cadre sémantique et linguistique.

 

DSCN0694

 Tourtière ancienne

 

La métonymie (j'ai pas trouvé de jeu de mot, il est 1h39, je crois que je suis au bout du rouleau …)

Autre mot qui sonne un peu barbare, pardonnez-moi, ce n'est pas de ma faute. Vous soulignerez que le vocabulaire linguistique est rempli de mots extraordinaires, parfois un peu chantant, parfois intrigants. Et ça permet de se la péter un tout petit peu en société, mais alors un tout petit peu. Mais ce n'est pas le sujet. La métonymie est un mécanisme consistant à désigner un objet par un autre objet qui est en lien avec le premier objet. Tu me suis ? Nan mais tu me suis vraiment là, parce que moi j'ai perdu mon propre fil…  Par exemple, la matière pour l'objet ( "Et Rolland brandit le feeer face à l'ennemi"), le contenant pour le contenu (Et si on allait boire un verre ?) etc.

                       

Et comment on applique tout ça à croustade, pastis et tourtière ? Ca vous le saurez dans le prochain et dernier article à paraître début octobre 2016 !

 

A suivre : La Saga Croustade, Pastis et Tourtière [5] : les incroyables révélations !

 

Bibliographie :

ARRIVE M., GADET F., GALMICHE M. (1986), La grammaire d'aujourd'hui, Paris, Flammarion.

CADIOT P., NEMO F.(1997) Pour une sémiogenèse du nom. In: Langue française, n°113, 1997. Aux sources de la polysémie nominale, sous la direction de Pierre Cadiot et Benoît Habert. pp. 24-34

CHAROLLES M. (2002),  La référence et les expressions référentielles en français, Paris, Ophrys

 

CHOI-JONIN I., DELHAY C. (1998), Introduction à la méthologie en linguistique, application au français contemporain, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg.

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FOSSAT J.L. (2004), Régularité, Flexibilité, Variabilité : trois caractéristiques d’une langue ; Le cas occitan (Gascon). Le bilan provisoire de sabres. In : Un pays dans sa langue. Le gascon dans l’ensemble d’Oc, 9 et 10 octobre 2004, Sous la direction de Pierre Bec.

GARDES-TAMINE J. (2002) La grammaire, 1. Phonologie, morphologie, lexicologie, Paris, Armand Colin.

GREVISSE M. (1986), Le bon usage, grammaire française refondue par André Goose (2001). Paris et Louvain-La-Neuve, Duculot.

KLEIBER G. (1999), Problèmes de sémantique. La polysémie en questions. Villeneuve d'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion.

LEBAS F. (1997) Conséquences théoriques des frontières de la polysémie. Application au pronom il. In: Langue française, n°113, 1997. Aux sources de la polysémie nominale, sous la direction de Pierre Cadiot et Benoît Habert. pp. 35-48.

LELAND T. (1997) La clé du mystère : mettre le réfèrent à sa place. In: Langue française, n°113, 1997. Aux sources de la polysémie nominale, sous la direction de Pierre Cadiot et Benoît Habert. pp. 66-78.

LEHMANN F., MARTIN-BERTHET F. (2014) Lexicologie, sémantique, morphologie, lexicographie, 4 ème edition, Paris, Armand Colin.

NIKLAS-SALMINEN A (2015), La Lexicologie, 2 ème édition, Paris, Armand Colin.

NUNBERG G., ZAENEN A. (1997) La polysémie systématique dans la description lexicale. In: Langue française, n°113, 1997. Aux sources de la polysémie nominale, sous la direction de Pierre Cadiot et Benoît Habert. pp. 12-23

VICTORRI B., FUCHS C. (1996), La polysémie. Construction dynamique du sens. Herm`es, pp.131, 1996.

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