Ténébreux mais Lumineux ...
Je guettais depuis des jours, depuis 6 jours, la moindre éclaircie le soir, qui aurait pu m'offrir quelques beaux couchers de soleil. J'avais toujours de l'espoir jusqu'à l'heure fatidique du moment : mais chaque soir à 17h30, le paysage était malgré tout agréable à voir dans la grisaille sans pour autant arborer les couleurs que j'aime y voir. J'avais eu quelques espoirs il y a 3 jours...Mais la couverture nuageuse était bien trop épaisse. Je n'ai eu droit qu'à 3 seconde de lumière et puis... plus rien, le début de l'obscurité. La transition avait été un peu terne. Mais je n'ai pas perdu courage. Quand mercredi j'ai appris que la météo annonçait une belle journée sur le Gers, je me suis dit que j'allais enfin le revoir mon coucher de soleil. Je trépignais d'impatience, hier, à l'approche de l'heure H, surveillant l'horizon du coin de l'oeil. Quoiqu'un peu pâle, je sentais bien qu'il ne fallait pas que je le râte. Pensez-vous que quand j'ai vu 17h30 affichées sur la pendule j'ai immédiatement pris l'appareil photo à deux mains, et suis sortie dehors déréchef. Oubliant par la même occasion ma veste. Une bonne occasion de me rafraichir les idées. De toutes manières, je n'allais pas rester longtemps dehors...quoique ... Je commence toutjours par mon arbre déployé avec élégance sur la succession de couches colorées : le voici entre lumière et ténèbres, posé sur un ciel qui se contredit, un ciel qui se complait encore dans le superbe temps qu'il a fait ce jour là, et qui annonce la pluie du lendemain. Un mariage paradoxal qui pourtant reste envoûtant. On ne sait à quel ciel se vouer, on ne sait si l'on droit s'émerveiller ou s'effrayer. J'ai pour ma part, choisi comme toujours, l'émerveillement d'autant plus qu'en arrière-plan de dessinait les Pyrénées aux contours adoucis par l'ambiance.
Selon les coins de ciel, les couleurs étaient plus intense. Le saumon clair laissait la place à l'orangé vif. Les herbes folles m'offraient un spectacle d'ombres chinoises exceptionnel.
Droit au Sud, les Pyrénées ! J'ai certains jours failli manifester sur mon petit chemin, une pancarte à la main, scandant par écrit "Rendez-nous les Pyrénées". Quand elles sont invisibles, elles me manquent. L'horizon me parait déshabillé...Elles étaient bien là, hier soir, bien ancrées : leur longue silhouette dominait mon paysage.
Plus l'heure tournait et plus à l'Ouest, le ciel se transformait. Rayures de gris, rayures d'orange. Une lumière intense prenait sa place entre les masses nuageuses obscures.
A l'Est, j'étais suivie par une Lune quasiment pleine, s'entourant d'un léger voile, comme un fard à paupière discret. C'était comme si elle s'était arrangée avec le soleil. Pendant qu'il sombrait, elle faisait sa belle et grande apparition.
Au Sud ? Toujours là, les montagnes ! Le Pic, impressionnant comme toujours, les cimes chatouillaient le ciel d'un rose tendre. La silhouette des arbres semblaient être dessinée à l'encre de Chine.
Je me demande alors si j'ai le temps de rejoindre la grand route pour avoir d'autres points de vues, d'autres images...Il me faut me dépêcher. Ca tombe bien ! J'ai un peu froid et accélérer la cadence me réchauffera assurément.
En chemin, j'aime observer ce qu'il se passe à l'Ouest. Tout commence à s'endormir tout doucement, délicatement.
La Lune me fascine à nouveau. Elle s'enrubane encore d'un léger voile. Elle s'intègre admirablement au paysage arboré. Je suis en extase et je me sens une nouvelle fois privilégiée.
Je n'ai aps encore rejoint la grande route. J'avais pourtant dit qu'il fallait que je me dépêche. Mais derrière et autour de moi il y a ce paysage sans cesse changeant !
Je n'avais jamais pris ce chemin dans ce sens lors des autres couchers de soleil. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que j'étais accrochée par la lumière là où j'étais. J'ai donc découvert d'autres points de vue tous aussi fabuleux.
J'ai traversé un champ pour rejoindre la fameuse route. Arrivée au bout, je me suis retournée. Le beau chêne me semblait différent avec son feuillage encore doré.
Je marchais le long de la route, sur le bord, et je profitais à nouveau de mes paysages fétiches. J'étais arrivée à temps, le soleil n'avait pas fini sa course apparente.
Et voilà mon vieux mur, ce vieux tas de pierres impérissable, face à face aux immenses rochers montagneux. L'incroyable devenait vrai.
Non non, je n'ai pas fini ! J'en ai profité, jusqu'au bout. Le vent poussait les nuages, le ciel se contrastait, changeait d'aspect toutes les minutes
Et puis une envolée magistrale ... ils sont revenus, mes vanneaux huppés, et ils dansent dans les airs ! C'est là que je me suis dit "il faut que je me dépêche si je veux les voir de plus près." Je presse donc le pas laissant derrière moi Arrouède et son clocher endormi.
Je presse le pas, mais mais, il y a encore cette lune splendide dans son fard léger. Je suis aux anges et dans la Lune si je puis dire !
Vite vite, je me dirige vers mon arbre qui s'entoure d'autres couleurs, d'autres lumières ...
Je file droit, mais je tourne la tête ...et les peupliers, qu'ils sont beaux les peupliers dans la lumière tamisée !
Et mes vanneaux ! Ils sont là, se cherchent une place, ils tournoient en poussant des cris stridents. Je voudrais voler comme eux dans ce paysage.
Ils se sont posé loin de moi. Je suis donc repartie vers la maison. Mais je n'ai pas manqué de me retourner, à marcher à l'envers. Je contemplais. Et puis je change de sens. La Lune, vous dis-je, la Lune ! Toujours là !
Un avion s'envole. Et du hublot, comment c'est ? Comment c'est ? Ce doit être passionnant, j'aurais le nez collé, je me torsionnerai pour ne pas râter une miette de mon coucher de soleil.
Dernier coup d'oeil sur mon arbre avant de rentrer à la maison. Le ciel a encore changé. Il faudrait prendre une photo chaque minute au même endroit pour en voir l'évolution.
Je suis rentrée frigorifiée, les doigts glacés, pestant un peu contre moi-même : il m'aurait fallu 30 secondes pour prendre ma veste. Mais si j'avais attendu 30 secondes de plus, aurais-je vu les mêmes choses, aurais-je eu l'idée d'aller jusqu'à la grand route ? Il fallait peut-être prendre un peu froid pour mériter tout ça !