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Gersicotti ? Gersicotta !
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Gersicotti ? Gersicotta !
23 mars 2011

[Interview] Découvrez les Octaèdres étoilés avec Henri Calhiol !

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"Il se [dégage] de ces sculptures quelque chose d'indéfinissable"



Fin 2010 j'ai eu la chance de recevoir un e-mail d'un lecteur qui a bien compris que j'adorais le patrimoine gersois dans ses détails les plus classiques comme les plus originaux. Il m'a évoqué l'existence de ce qui se fait appeler "octaèdres étoilés". Un drôle de nom géométrique bien intrigant et encore plus intrigant lorsque j'en ai reçu des photos accompagnées de quelques explications. Il se trouve qu'on en recense quelques uns dans le Gers et pour être allée voir de moi-même ceux qui ornent l'entrée d'une maison de maître à Tillac, je dois avouer que j'ai trouvé ça vraiment fascinant.

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Tillac, le 23 Janvier 2011


Ce courrier électronique venait d'Henri Calhiol, un officier de gendarmerie à la retraite, qui vit tout près de Mirande la jolie. Il a accepté, par le biais d'une interview, de nous expliquer ce que sont les octaèdres, comment il mène son enquête à leur propos et comment on peut l'aider dans ses investigations historiques.



Qu'est-ce qu'un polyèdre étoilé en architecture ?

"Les polyèdres comptent cinq corps platoniciens (avec l’octaèdre, le tétraèdre, le cube, le dodécaèdre et l’icosaèdre) que le philosophe-mathématicien rattachait à l’air, au feu, à l’eau, à la terre et l’univers.  Platon disait que « pour avancer dans le domaine de la philosophie, il est nécessaire de connaître la géométrie ».

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Ce sont donc des polyèdres chargés de symbolique et dont l’étude s’est poursuivie au fil des millénaires (Archimède,  Poinsot, Euler, Kepler, Jamnitzer et bien d’autres, plus proches de nous…). On est arrivé à 41 polyèdres et on pense que la liste est close.

Les plus curieux se tourneront avec profit vers l’ouvrage de Roger Le Masne «(Les polyèdres ou la beauté des mathématiques », 3è édition, 2010, Ed. Sté Acort Europe) ; comme le titre l’indique, ils y découvriront la beauté des polyèdres dont Platon pensait qu’il ne pouvait exister de corps plus beaux.

Les sculptures qui nous intéressent ici y sont des polyèdres appelés « stella octangula »,  « octangle étoilé » ou encore « étoile anticubique » : un polyèdre composé de deux tétraèdres (pyramides à base triangulaire) qui s’interpénètrent.  Et plus ou moins ouvragés par ajouts d’éléments sculptés.


 
Comment vous est venue cette passion ? Trouve-t-on facilement de la documentation ?

"Ce n’est pas une passion. Ma passion c’est l’histoire en général et l’histoire locale en particulier, notamment celle de la Gascogne et celle de l’Astarac mais également des thèmes en rapport avec ma généalogie dans la mesure où certains de mes ascendants y ont été intimement mêlés (résistance au coup d’Etat de Napoléon III, mutinerie du 17è d’infanterie en 1907 dans le cadre des Evènements du Midi viticole, Légion Arménienne durant la Grande Guerre).

Dans le cas des polyèdres étoilés, c’est une curiosité purement ponctuelle qui m’anime : visitant Tillac (Gers) j’y ai lu un entrefilet extrait d’un site internet concernant deux sculptures de ce type ornant les piliers d’entrée d’une ancienne « maison bourgeoise » de cette charmante micro- bastide.

L’auteur (Jean-Michel Mathonière, chercheur sur l’histoire des Compagnonnages (site internet www.compagnonnage.info) y parlait de polyèdres appartenant « au type le moins fréquent, celui basé sur l’octaèdre étoilé ».

Il se dégageait de ces sculptures quelque chose d’indéfinissable ; titillé par la curiosité, j’ai décidé d’en savoir plus, voilà tout. Et je m’y intéresse ainsi depuis septembre 2009, soulevant finalement plus de questions que je n’en résous."

 


Où peut-on en observer dans le Gers ?

"J’ai lancé avec l’aimable concours de La Dépêche un « avis de recherche » dans l’aire de diffusion de ce quotidien (10 départements du sud-ouest), soit un échelon significatif. Le bilan a été probant : ces sculptures sont relativement rares, si l’on compare le résultat aux milliers et milliers de piliers qui n’en comportent pas.

On m’a signalé une trentaine de sites (de une à huit sculptures). Ce petit nombre, qui renforce la singularité de l’objet de ma recherche, permet cependant de tirer d’utiles enseignements.

Curieusement, c’est dans le Gers qu’on en trouve le plus et, au sein de ce département, deux aires de plus forte concentration sont observées: près de La Romieu et près de Miélan." 



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Miélan, crédit photo : Henri Calhiol



Quelles premières hypothèses pourrait-on émettre quant à la présence de ces octaèdres à l'entrée de certaines demeures dans le Gers ou ailleurs ?

"Les polyèdres  étoilés que j’ai recensés sont de quatre types quant à leur forme (non recroisetés, recroisetés (fractals), incluant une sphère ou facettés). Mais tous partent d’une même base.

La plupart sont en pierre mais on en connaît en métal, en bois et même, pour ceux de facture contemporaine, en matériau composite (Gilles Faltrept, architecte à Planioles dans le Lot, qui commerciale des « épiédriks », créés à partir de la géométrie des volumes « parfaits »).

La plus forte concentration dans les deux secteurs gersois évoqués s’explique peut-être par le savoir-faire des tailleurs de pierre concernés (ce travail nécessite la connaissance de « l’art du trait »). Il y avait donc peut-être là des tailleurs de pierre qui avaient ajouté cette corde à leur arc et cette réalisation à leur catalogue.

Il se trouve que le Gers (selon les recherches de J.M. Mathonière et de son équipe),  a été dans le temps le berceau d’un nombre de tailleurs de pierre Compagnons du Devoir considérablement plus élevé que dans la moyenne des autres départements. Doit-on voir dans leur savoir-faire si particulier un début d’explication ?

Autre constatation : ces sculptures sont toujours placées en hauteur, sur des piliers de « maisons bourgeoises » en général (parfois antérieures aux sculptures) au cours de la seconde moitié du XIXè siècle (dates identifiées : 1858-1862- 1867-1869) mais on en trouve également sur les piliers d’entrée d’un cimetière (Hautes-Pyrénées), comme épis de faîtage de maisons d’habitation (Lot), de puits bâtis (public ou privé, Gers), au sommet d’une rampe en bois au dernier niveau d’une vieille maison en Alsace.

Il s’en dérobe beaucoup,  il s’en dégrade naturellement ou accidentellement et il s’en vend qui partent à l’étranger (Grande Bretagne notamment) : c’est donc un petit patrimoine en voie de disparition.

La question qui reste posée : quel sentiment animait donc jadis les commanditaires de ces singulières sculptures au demeurant coûteuses ? Le goût de la beauté ? La volonté de se démarquer des choix de leurs contemporains ? On pourrait en effet se contenter de ces hypothèses qui viennent immédiatement à l’esprit. Sauf que…

Sauf que l’explication est un peu courte et de toute façon inadaptée à certaines réalités : entrée de cimetière, épis de faîtage de puits, tombes, etc …

 Car c’est là que l’histoire se complique ; à ces réalisations se trouvent attachées, d’après une abondante littérature, diverses explications : religieuse, ésotérique, superstitieuse, mystique… qui obligent à dépasser la simple vision rationaliste pour plonger dans un irrationnel foisonnant.

Dans la préface de l’ouvrage de Roger Le Masne, Gérard Chamayou, centralien, sculpteur, architecte et réalisateur de la Géode de La Vilette, affirme que la source de la notion de polyèdre est dans la nature (par exemple les cristaux transparents de quartz) et que les hommes préhistoriques confrontés à cette perfection dont le sens leur échappait, en firent des objets sacrés. Et que ce serait cette notion de sacré qui se serait perpétuée à travers les millénaires dans la méditation des grands esprits. Sous l’influence de Pythagore, la révélation de cette découverte devait finir par en être réservée aux seuls initiés. Et nous voilà embarqués dans tout autre chose que le matérialisme et le rationalisme.

Le polyèdre a inspiré nombre de chefs d’œuvre artistiques et c’est une voie de recherche pour les architectes du futur.

Sans m’étendre mais pour faire comprendre que ces sculptures nous interpellent, il me suffira d’énoncer quelques constatations concrètes :

Certaines maisons de pierre sèche de la région de Bari (sud de l’Italie) sont coiffées de semblables polyèdres étoilés ;

Des lampes à suspendre, en métal léger et ajouré,  trouvées en Syrie présentent une telle forme ;

On en trouve à la basilique de Paray-le-Monial ;

Le toit du bâtiment de la Fédération Compagnonnique des Métiers du Bâtiment, à Tours, est coiffé d’un polyèdre étoilé (en cuivre) ;

On en a trouvé trace une sur une tombe toulousaine renfermant les corps d’un franc-maçon et d’un Compagnon du Devoir ;

Il en existe une sur la tombe d’André Breton à Paris (écrivain et poète, qui se piquait d’alchimie) avec cette épitaphe mystérieuse ; « je cherche l’or du temps » ;

Enfin, pour clore ce chapitre du mystère qui s’épaissit, je vous invite à chercher sur internet les mots « merkabah » ou « merkavah ». Vous y verrez que l’on peut acheter pour quatre sous un pendentif porte-bonheur et protecteur de ce nom, qui n’est autre qu’une  stella octangula.  Selon Wikipédia,  « la Merkabah »  (ou « Merkavah ») est un terme hébreu qui signifie char (de la racine R-K-B signifiant chevaucher). C'est un des plus anciens thèmes de la mystique juive. Il s'agit pour le mystique d'accéder à la contemplation de ce trône céleste. Le terme a été repris et le concept révisé par le mouvement du New Age, lequel en parle pour désigner une prétendue propriété secrète de l'être humain à s'affranchir de la matérialité pour voyager dans l'espace et le temps ».

Des explications semblent dominer :

- une vocation prophylactique ou apotropaïque (protectrice, qui détourne le danger) connotée de superstition, contre les maléfices (un puits, si nécessaire jadis à la vie courante, ne méritait-il pas d’être « protégé » contre le tarissement ou l’infection ?...). Et la maison et ses occupants également,  contre tout ce qui, négatif,  pouvait en franchir le seuil ? Présence et garde de l’espace, donc ;

- une vocation religieuse : pour les croyants, Il a une valeur affirmée de médiation entre la Terre et le Ciel ;


- une vocation symbolique, liée à sa forme omnidirectionnelle : signe de plénitude, d'infini et d'équilibre, « symbolisation de l’envol de la Conscience vers l’En-Haut, le cosmique, voyage astral, appropriation astrale, passage de l’univers matériel au domaine spirituel, captage des énergies cosmiques, symbolisation de l’univers matériel et contingent d’En-Bas, communication avec les autres et avec Dieu ». C’est en tout cas ce que J.L. Obereiner pensait des épis de faîtage du Lot dont il avait publié une très sérieuse étude en 1980 (« Epis de faîtage en Quercy, technique et symbolisme » dans Quercy-Recherche), conclusions pouvant être étendues aux polyèdres étoilés, de faîtage d’habitations ou non."


Comment peut-on vous aider dans votre quête ?

"Je vous remercie de votre aimable proposition. De deux façons :

En me signalant les polyèdres étoilés rencontrés, où que ce soit en France ou dans le Monde (si possible avec photo) ou en me signalant des écrits s’y rapportant.

Mon e-mail : h.calhiol@dbmail.com
Mon n° de portable : 06.03.15.67.22 "


Le mot de la fin ?


"Ces sculptures, je l’ai dit, sont menacées de disparition. Heureusement, des tailleurs compétents, dans le Gers même, sont en mesure de les créer à nouveau. L’un d’eux est un Compagnon du Devoir, les autres ont été formés par des compagnons. Parmi eux, François Dejeumont (Castelnau-Barbarens, tél :05.62.65.98.11, site : http://christian.thibaut.free.fr/tailleur_pierre_01.htm ) est probablement le plus surprenant par ses réalisations (parfois doublement fractales).  Il est d’ailleurs cité dans l’ouvrage de Roger Le Masne. 

Comme vous l’aurez compris, le simple goût de la beauté n’explique pas tout. Il serait bien étonnant que certains commanditaires n’aient pas été mus par d’autres ressorts. Le journaliste qui avait relayé mon appel avait titré facétieusement : « il veut percer le mystère des octaèdres étoilés ». Force m’est d’avouer humblement à cet instant que je n’y suis pas (encore) parvenu, notamment parce que ces biens sont aujourd’hui tombés dans d’autres familles qui ignorent tout de leurs lointains prédécesseurs. Votre aide, quelle qu’elle soit, sera donc la bienvenue !" 

 

 

Gersicotti Gersicotta vous remercie pour ce passionnant cours d'histoire et d'architecture. Et vous lecteurs, d'où que vous soyez, vous savez ce qu'il vous reste à faire : ouvrir l'oeil et contacter Henri si vous croisez, lors de vos balades, ces intrigantes figures géométriques.

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Commentaires
S
bonjour il y a peu nous avons bavardé a mirande lundi mat sujet OCTAEDRE je n'ai fait que decouvrir mais j'ai fais des recherches et je pense a en faire en bois ebeniste oblige je vais "tenter "octaedre simple pour le plaisir le sujet a ete vu200m de chez 1 ami BELETTE merci de m'avoir fait cette chose
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D
Bonjour<br /> <br /> Passionnant<br /> <br /> Pour ma part, j'en connais 4 dans la Sarthe, sans trop avoir recherché, mais maintenant, j'y ferais encore plus attention (Connéré, La Bazoge, Saint-Rémy-du-Val et René). <br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> Patrick Dejust
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J
Je suis globalement d'accord avec tout ce qui est écrit. Effectivement cette forme géométrique est liée à la "spiritualité", et d'ailleurs on retrouve cette forme dans la représentation de l'étoile de David (en 2D) et dans la fleur de vie.<br /> <br /> Les stages de progression dans ce domaine ésotérique sont ceux du Template, facilement trouvables par Intenet.<br /> <br /> Avis aux amateurs.<br /> <br /> Jean-Pierre2012
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S
Attirée par le nom magique "d'octaédes étoilés"( dans la sélection Gersicotti 2011) j'ai lu le coeur battant le passionnant article de H. Calhiol.... oui j'ai déja croisé ces ouvrages sculptés, dans le Gers certainement aux alentours de Lectoure, mais aussi dans d'autres lieux, à maintes reprises, notamment à l'entrée de demeures familiales....J'en ignorais juste qu'à présent la signification, et cette érudition m'a ouvert l'esprit..... Merci de ce moment de bonheur !!! Et comme le bonheur se partage, j'ai hâte de retrouver ces lieux inscrits dans ma mémoire ....de photographier leur réalité avec mon nouveau numérique flambant neuf et d'envoyer le tout à qui de droit ...<br /> <br /> Si!si!
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D
J'ai découvert ces sculptures à Tillac ; j'avais été assez fasciné par elle.<br /> Merci à M. Calhiol pour toutes ces informations et bravo à lui pour toutes ces recherches. C'était très intéressant.<br /> (et j'avoue que ça a piqué m'a curiosité d'en savoir davantage ^^)
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